Au fil des années, le secteur des télécommunications a connu de nombreuses mutations technologiques.
La réforme de 1995
En Côte d’Ivoire, comme partout ailleurs en Afrique, la réglementation nationale, pendant de nombreuses années, a placé les télécommunications en situation de monopole étatique. Ce choix se justifiait notamment par des raisons de sécurité nationale.
En 1995, l’Etat de Côte d’Ivoire a mis en œuvre le processus de réforme structurelle du secteur, lequel a abouti à l’adoption de la loi n°95-526 du 7 juillet 1995, portant Code des télécommunications.
L’innovation majeure apportée par la réforme, est sans doute l’avènement de la téléphonie mobile à travers une vaste réforme de privatisation sur le marché ivoirien des télécommunications avec l’attribution en 1996 des licences d’exploitation à trois opérateurs de téléphonie mobile : Comstar, Ivoiris et Telecel.
Le code des télécommunications de 1995 constituait un précieux levier ayant soutenu l’effort de libéralisation du secteur en Côte d’Ivoire. Toutefois, ce code consacrait des vides juridiques propices à la survenance et la persistance des conflits répétitifs entre acteurs du marché, constituant ainsi des goulots d’étranglement préjudiciables à l’évolution du marché. D’où la nécessité d’une nouvelle réforme.
La réforme de 2012
L’ordonnance n°2012-293 du 21 mars 2012 relative aux Télécommunications/TIC a marqué une rupture avec le cadre réglementaire antérieur en introduisant une série de réformes visant à libéraliser totalement le marché des télécommunications, à stimuler la concurrence, à protéger les consommateurs et à promouvoir l'investissement et le développement du numérique en Côte d'Ivoire.
Cette réforme se caractérise tout d’abord par la séparation fonctionnelle des organes de régulation du secteur :
La prise de l’ordonnance n°2012-293 du 21 mars 2012 relative aux Télécommunications/TIC institut un nouveau cadre institutionnel avec notamment la création de :
d’un organe de gestion des fréquences (AIGF)
L'Agence Ivoirienne de Gestion des Fréquences radioélectriques (AIGF) est une société d'Etat à qui les fonctions de planification, d’attribution, d'affectation et de contrôle des fréquences sont dévolues. De façon spécifiques, l’AIGF a pour missions principales:
d'assurer la planification, l'attribution et le contrôle des fréquences radioélectriques en veillant aux besoins des administrations et des autorités affectataires de fréquences radioélectriques ;
d'établir le tableau national d’attribution des bandes de fréquences et le fichier d’utilisation des fréquences ;
de contrôler l'utilisation des fréquences conformément aux licences individuelles et autorisations accordées, aux enregistrements du registre des fréquences, et de saisir les affectataires des anomalies constatées ;
d'autoriser et de coordonner l'implantation sur le territoire national des sites et stations radioélectriques de toute nature afin d'assurer la meilleure utilisation possible des sites disponibles et d'en assurer la conformité à la réglementation nationale et internationale en vigueur ;
de préparer et défendre la position de la Côte d'Ivoire dans les négociations internationales en la matière ;
de traiter les demandes d’assignations relatives aux systèmes satellitaires ;
de s'assurer de l'enregistrement des fréquences radioélectriques auprès des instances internationales compétentes ;
de veiller à la protection des intérêts nationaux dans le domaine des fréquences radioélectriques ainsi qu'à la protection des positions orbitales réservées à la Côte d'Ivoire ;
de contribuer à l'exercice des missions de l'Etat en matière de défense et de sécurité publique, en relation avec le domaine des radiocommunications ;
d’un organe du Service Universel (ANSUT)
L’Agence Nationale du Service Universel de Télécommunications/TIC (ANSUT) est une société d’Etat ayant pour principales missions :
d’assurer la mise en œuvre des programmes de service universel pour le compte de l’Etat ;
d’élaborer les cahiers des charges des programmes de service universel des communications électroniques ;
d’assurer le suivi de l’exécution des programmes de service universel pour le compte de l'Etat et de l’Autorité de Régulation ;
d’assurer le suivi comptable du financement du service universel par la perception des redevances dues par les opérateurs et fournisseurs de services de communications électroniques et le financement des programmes de service universel ;
d’assurer la gestion des opérations d’investissement financées par l’Etat dans le domaine des communications électroniques.
d’un organe de régulation (ARTCI)
L’Autorité de Régulation des Télécommunications/TIC de Côte d’Ivoire (ARTCI) est une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. L’ARTCI s’est vu confier la mission de régulation du secteur des communications électroniques pour le compte de l’Etat.
L’ARTCI est structurée en :
Conseil de Régulation : organe juridictionnel dont les décisions sont exécutoires par provision et ne sont susceptibles de recours qu’en Cour d’Appel ;
Direction Générale : organe technique qui assure la gestion courante des affaires techniques, administratives et financières.
Les missions dévolues à l’ARTCI par l’Ordonnance n°2012-293 du 21 mars 2012 relative aux Télécommunications/TIC en Côte d’Ivoire et les autres textes réglementaires, sont de plusieurs ordres :
Régulation du secteur des télécommunications/TIC ;
Regulation du secteur postal ;
Sécurité des réseaux et systèmes d’information ;
Protection des données à caractère personnel ;
Gestion des transactions électroniques ;
Gestion des noms de domaines (.ci) et des adresses Internet de la Côte d'Ivoire.
L'ARTCI est donc un régulateur multisectoriel dont les missions touchent plusieurs domaines stratégiques pour l’économie numérique de la Côte d’Ivoire. Plus en détails, ses responsabilités couvrent ainsi :
Les Télécommunications : veiller à la disponibilité, à la qualité, à l’accessibilité des services de télécommunications à des coûts abordables ;
La Poste : garantir des services postaux fiables, accessibles et conformes aux attentes des usagers ;
La Cybersécurité : veiller à la mise en œuvre de dispositifs et mécanismes pour sécuriser les infrastructures, les systèmes et les données circulant sur les réseaux ;
Les Transactions Électroniques : veiller à la sécurisation de transactions électroniques pour assurer la confiance des utilisateurs dans l’économie numérique ;
La Protection des Données à Caractère Personnel : protéger les informations personnelles des usagers afin de créer un environnement de confiance pour les échanges numériques ;
Les Noms de Domaine : Assurer l’attribution et la gestion des noms de domaine, en particulier ceux en .ci, pour valoriser la présence digitale de notre pays.
En couvrant ces domaines, l’ARTCI a été érigée en régulateur du numérique au cœur de la transformation digitale et de la modernisation de notre économie.
La réforme de 2012 se caractérise également par :
L ’introduction d'une nouvelle licence unique
Remplacement des licences multiples par une licence unique, dite licence globale pour les opérateurs de télécommunications ;
Nouveaux régimes d'autorisation.
2. Le renforcement de la concurrence
L'Autorité de régulation des télécommunications/TIC de Côte d'Ivoire (ARTCI), dotée de pouvoirs accrus pour garantir la concurrence et protéger les consommateurs ;
L’interdiction des pratiques anticoncurrentielles et promotion de l'accès équitable aux infrastructures et services.
3. L’amélioration de la protection des consommateurs
La mise en place d'un régime de protection des consommateurs, avec des droits et obligations clairement définis pour les opérateurs et les utilisateurs des services de télécommunications ;
L’obligation pour les opérateurs de fournir des services de qualité à des prix abordables.
4. La promotion de l'investissement
La création d'un environnement juridique et réglementaire plus stable et prévisible pour les investisseurs ;
La mise en place d'incitations fiscales et autres pour encourager l'investissement dans le secteur des télécommunications.
Le marché de l’internet a tiré grand profit de cette réforme, en témoigne l’arrivée sur le marché de plusieurs fournisseurs d’accès internet dont Aviso, Afnet, AfricaOnline et GlobeAcess, ainsi que la multiplication des cybercafés qui ont reçu une grande adhésion des populations. Jusqu’en 2012, les cybercafés constituaient le principal moyen d’accès à internet en Côte d’Ivoire. Selon une étude réalisée par l’ARTCI en 2009, plus de 72% des connections à internet s’établissaient dans les cybercafés.
A cette ordonnance de 2012 se sont ajoutées d’autres lois adoptées en 2013 pour encadrer les usages et assurer la protection des données personnelles et de la vie privée des usagers dans le cyberespace. Il s’agit notamment de :
la loi relative à la lutte contre la cybercriminalité,
la loi relative à la protection des données à caractère personnel et
la loi relative aux transactions électroniques.
Ces textes ont été complétés en 2017 par la loi d’orientation de la société de l’information en Côte d’Ivoire et de l’ordonnance sur les échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre autorités administratives.
Tous ce corpus règlementaire permet de garantir le développement harmonieux des technologies de l’informations et de la communication. Aussi, l’Etat ivoirien, conscient des défis d’un monde numérique en constante mutation, a adopté différentes stratégies en 2021 dont la stratégie nationale de développement du numérique 2021-2025 (SNNCI) , la stratégie nationale de l’innovation 2021-2025 et la stratégie nationale de cybersécurité 2021-2025, qui visent à créer une synergie autour du numérique et à coordonner les différentes initiatives en la matière.
La loi n° 2024-352 du 06 juin 2024 sur les communications électroniques
Malgré les avancées remarquables et le dynamisme du secteur, des difficultés sont persistantes et découlent notamment de l’insuffisance de clarté et de cohérence des textes et des limites d’opérationnalisation de l’ordonnance de 2012 et des textes subséquents, faisant ainsi apparaitre quelques contradictions, des imprécisions et des chevauchements de missions entre les institutions et entre organes de gouvernance.
Cette réalité a conduit à l’adoption de la loi n° 2024-352 du 06 juin 2024 qui vise à soutenir un développement harmonieux du secteur des communications électroniques, conformément à la volonté des pouvoirs publics de faire de l’économie numérique un moteur de croissance pour la Côte d’Ivoire.
Cette nouvelle loi a pour objectifs :
d’assurer une protection efficace des réseaux d’infrastructures d’accueil et de communications électroniques en raison de leur caractère stratégique pour l’Etat et l’ensemble de la population ;
de promouvoir l’exercice d’une concurrence libre et effective dans l’établissement et l’exploitation de réseaux de communications électroniques ouverts au public ainsi que la fourniture de services de communications électroniques dans l’intérêt des utilisateurs ;
de définir des règles de nature à assurer une protection efficace des utilisateurs ;
favoriser l’accès du plus grand nombre aux services de communications électroniques et l’aménagement numérique du territoire ;
de promouvoir le développement socio-économique du pays par le développement du secteur des communications électroniques.